Claire : C’est du Chinois
Récit d’un voyage raconté lors de la 6è édition du Traveler On Stage Bordeaux le 10 mars 2018.
En 2010, j’ai 20 ans et je débarque en Chine pour un échange universitaire de 4 mois. Dès mon arrivée dans le train, je suis tout de suite mise dans l’ambiance (celle que vous avez entendue). Je parle très peu mandarin donc je comprends rien mais il y a une chose que je capte tout de suite, c’est l’origine de l’expression “c’est du chinois”…
Je m’installe donc à Jinan, agglomération de taille moyenne… avec ses 6 millions d’habitants. Tu vois la rue Sainte Catherine à Bordeaux pendant les soldes ? Là c’est pareil, mais genre tous les jours ! Et pourtant, on ne passe pas inaperçu parce qu’on est qu’une poignée d’occidentaux dans la ville et tous les yeux sont rivés sur nous. Etrange comme sensation d’ailleurs.
Sur le campus, avec les autres étudiants occidentaux, on est installé dans des grandes chambres d’hôtel avec salle de bain privée. Juste à côté, les étudiants chinois sont 6 par chambre, en lits superposés. Chaque matin je les vois récupérer un thermos de 5 litres d’eau chaude. Je me dis que ça fait beaucoup pour le thé du matin quand même… En fait, ils utilisent cette eau pour aller se doucher au gymnase du campus.
La cérémonie de rentrée des classes. Ah ! Très impressionnante, surtout quand tu ne connais pas le dress code à l’avance. Il y a des milliers d’étudiants chinois qui défilent devant leurs profs… et il y a nous, une dizaine d’étrangers, on essaye de suivre tant bien que mal le rythme des gardes à vous et surtout on a tous peur de s’être trompés de fac. On est pas au bout de nos surprises.
Dans ce supermarché par exemple, il y a un petit avec sa maman qui est en train de faire pipi tranquilou (le petit, pas la maman, hein). Et ce qui me surprend le plus… c’est que ça ne choque personne ! Il y a un rapport à la pudeur un peu différent et je le comprends quand moi aussi je dois faire pipi devant tout le monde parce qu’il n’y a pas de porte aux toilettes publiques.
Il y a d’autres habitudes auxquelles j’ai du mal à me faire… genre les crachats. Et aussi la conduite. Quand tu es piéton tu as intérêt à faire attention. Un jour d’ailleurs une femme est passée par dessus le pare brise de notre taxi… le chauffeur a sorti une liasse de billets et l’affaire était close. Il y a aussi la politesse. On entend rarement “Bonjour, merci” dans les magasins…
Au début je trouvais ça impoli et finalement j’ai compris que la politesse était un concept culturel. Au-delà de ces anecdotes, un mois après notre arrivée, la police chinoise est venue nous informer de ce qu’on avait le droit de faire ou pas en Chine. On nous a par exemple formellement interdit de parler de nos religions avec les chinois et de faire des réunions privées à plus de 2 personnes dans nos chambres.
Là j’ai pris conscience qu’il y avait plus que des différences culturelles. Le plus dur, c’est quand je tombe par hasard sur le blog d’un avocat étranger qui explique comment les pratiquants d’une religion non officielle sont détenus et torturés dans un camp de travail forcé, à quelques kms de la ville. J’ai jamais réussi à en savoir plus, le blog a disparu 2 semaines après.
J’ai continué mon voyage bien sûr mais avec un autre regard. Curieusement ça m’a donné encore plus envie d’entrer en contact avec les Chinois. Oui, je vous l’accorde elle fait un peu peur comme ça, mais en réalité elle était adorable cette petite. Elle me montrait à sa façon nos différences physiques (!) . A ce moment là j’ai remarqué qu’il y avait une sorte de fascination pour les occidentaux.
Quand on sortait en boîte de nuit par exemple, tout nous était offert ! Dommage que ce ne soit plus le cas en France. On nous a invité dans une émission télé, on nous a demandé de jouer les mannequins pour un site e-commerce ! Dans les magasins en Chine on trouve du scotch pour agrandir les yeux, et je ne vous parle pas des publicité pour se faire débrider définitivement.
A l’époque il y avait aussi une autre publicité dans laquelle on voyait un bloc opératoire… en fait c’était une publicité pour des cliniques qui pratiquent l’avortement. Je me dit que c’est juste fou de voir des pays où l’avortement est illégal et d’autres qui l’encouragent…
Sans transition aucune, je ne peux pas ne pas vous parler… de la nourriture chinoise ! A Jinan, ma cantine c’est Food Street, la rue en face de l’université. On peut y manger des dumpling, des noodles, des brochettes de chien et on peut aussi acheter des fruits, des animaux vivants… bref, un joyeux bazar ! Moins joyeux quand un scandale a révélé que l’huile utilisée pour cuisiner était parfois coupée avec de l’huile de moteur.
Il y a une vraie vie dans la rue en Chine. Après avoir fait le tour des étals on s’installe sur des tabourets bas pour manger. Il y a aussi beaucoup de personnes âgées qui se réunissent pour danser ou pour jouer aux cartes. Ca me fait penser à mes grand-parents qui jouent à la belote avec leurs amis.
Quand on voyage en Chine, notamment dans les campagnes, c’est un dépaysement garanti… que ce soit pour les paysages mais aussi pour les rencontres. Finalement le fait de mal comprendre le mandarin rend chaque situation un peu mystérieuse, presque poétique. Un simple bonjour entraîne des tentatives de conversation où tout le monde finit par rire.
C’est vraiment ce que je retiens de la Chine : beaucoup de curiosité et de spontanéité. Il y a cette fois où un vieux monsieur n’en revenait pas de voir des occidentaux en vrai et nous touchait du bout de sa canne pour voir comment on réagirait.
Dans les hôtels à la campagne on côtoie les hommes d’affaires : alcool, cigarette et conversations animées… font partie de la culture business chinoise qu’ils appellent le guanxi. Ce sont des moments très conviviaux en petit comité et l’alcool aidant, les barrières tombent et on peut vraiment échanger.
En 2010, la Chine était en train de devenir la 2è puissance économique mondiale et les contrastes devenaient de plus en plus flagrants : entre le rythme de la campagne et celui de la ville, entre les valeurs spirituelles et la consommation à outrance mais aussi entre la pauvreté et l’explosion d’une classes aisée…
Après ces 4 mois en Chine, l’expression “C’est du chinois” n’a plus le même sens pour moi. Ce n’est plus la complexité ou l’incompréhension qui me viennent à l’esprit mais plutôt la simplicité, l’humilité et le sens de l’accueil. La Chine recèle de trésors bien cachés et je vous l’assure, il suffit de pousser un peu la porte pour les découvrir.
👉 Découvre l’intégralité de la 6e édition du Traveler On Stage Bordeaux
en vidéo.
Si tu veux découvrir ce qu’est Traveler On Stage, viens-nous voir à Bordeaux ou à Paris, Toulouse, Rennes, Nantes…
