De Strasbourg à Saint-Jacques de Compostelle : marcher vers son Essentiel

Pauline Wald
Traveler On Stage
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7 min readFeb 3, 2019

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Retranscription de ma conférence donnée lors de l’événement « Travelers On Stage » qui a eu lieu à sur la Scène du Canal à Paris, le 19 décembre 2017.

https://youtu.be/CaJfLlKa50g

#Métro — Boulot — Dodo

J’habite à Paris, je prends le métro tous les jours pour aller travailler dans le secteur bancaire. J’ai l’impression de perdre ma vie à la gagner. D’aller travailler pour payer mon loyer et mes factures.
Une question ne me lâche pas : « quel est le sens de tout ça ? »

#Le plan

Et à ce moment-là, j’ai une idée. Aller marcher sur le Chemin de Compostelle en partant de la maison où j’ai grandit en Alsace. Il y a environ 2000 kilomètres à faire. Marcher pour moi, c’est ralentir, avoir du temps, de l’espace, ressentir la liberté. Je décide de faire ce saut dans l’inconnu avec la conviction qu’il faut bien commencer par un pas. Je quitte mon emploi et mon appartement.

#L’appel du Chemin

Je parcours les sites de conseils aux voyageurs de Compostelle pour préparer au mieux mon périple et mon sac à dos. Au moment de partir, mes parents me donnent une coquille Saint-Jacques à accrocher à mon sac. Même si ils ne comprennent pas trop mon choix de tout quitter pour marcher, c’est leur façon à eux de me dire qu’ils soutiennent un peu quand même ma démarche. Et je me lance !

#Partir

Je marche seule, avec un sac lourd de 11–12 kilo, avec des douleurs aux pieds, au dos. Il n’y a quasi aucun pèlerin autour de moi car c’est l’Alsace. Pour la première fois depuis longtemps, je suis seule avec mes pensées. Toutes les histoires que je me raconte et qui tournent en boucle dans ma tête, elles me sautent aux yeux, je ne peux pas les ignorer : « quel est le sens de tout ça ? » « que vais-je faire au retour du chemin ? » etc.

#Direction Compostelle ?

Les gens que je croise, ce sont des habitants qui voient ma coquille Saint-Jacques accrochée au sac. On me demande plusieurs fois par jour: «Alors, vous allez à Compostelle ? » « Mais vous y allez d’une traite ? » « Ah ben, bon courage, c’est loin… » « Vous y allez seule, vous n’avez pas peur ? » Quand on me pose toutes ces questions, je ne suis plus sûre de vraiment aller à Compostelle.

#Se servir dans la nature

En Franche-Comté, je croise un ancien pèlerin dans la rue qui me propose de marcher avec moi quelques jours. Sa façon de cheminer, c’est aller dormir chez l’habitant et ramasser des choses dans la nature. J’apprends à cueillir des orties sans me piquer.
Plus concrètement, on parle aux gens dans leurs jardins. On dit qu’on est pèlerins. Quatre soirs sur cinq, on est invités à dormir chez des gens et on fait la cuisine chez eux.

#Soupe d’orties

De la soupe d’orties, c’est notre spécialité. Le 5ème jour, personne ne nous le propose. Je passe ma première nuit dehors dans mon sac de couchage sur une botte de foin. C’est étonnement confortable mais on est réveillé à 4h du matin par la pluie et on doit se remettre à marcher.

Par la suite, j’essaie d’appliquer cette façon de cheminer seule.

#Se perdre

Sauf que ce jour-là, je me perds dans une forêt et la nuit va commencer à tomber bientôt, et je n’ai pas de logement pour le soir. Je commence à avoir vraiment peur. Je prends mon téléphone dans mon sac. Moi qui voulait éviter d’utiliser mon tel, j’active ma 3G et grâce à Google Map, je sors de la foret. Je fais alors du stop au bord de la route nationale.

#Hôtel de « luxe »

Une personne me conduit à la prochaine ville qui est Belfort. La nuit est tombée : j’ai le choix entre dormir sur un banc ou dans le seul hôtel de la ville qui coûte 80 euros. Je choisis l’hôtel.
Je cherchais la liberté, je me sens enfermée dans le fait de devoir trouver un logement chaque jour, trouver de quoi manger…

#S’alléger

Mon sac à dos est de plus en plus léger au fur et à mesure que je marche. J’apprends à lâcher tout ce qui ne m’est pas indispensable. Toutes ces choses que l’on garde avec soi au cas où finissent par nos peser sur notre et nous ralentir.
Comme mes guêtres que je ne sors jamais quand il pleut. J’utilise mon savon de Marseille, en tant que gel douche, shampoing, lessive et aussi dentifrice (on s y habitue !!).

#Concours de sac à dos

A force de lâcher des choses, je finis par passer de 11 kilo à 5,5 kilo. La photo, c’est un concours de poids de sac à dos.
Mon sac devient deux fois plus léger, et je me rends compte que c’est pareil avec mes pensées. A force de marcher, j’apprends à lâcher les pensées qui ne me servent plus et me ralentissent.

#Interviews de pèlerins

Plus j’avance vers Compostelle, plus je rencontre des pèlerins. Je décide de demander aux pèlerins, pourquoi ils marchent, cette question du sens que je me posais. Je réalise que plein de gens de nationalités différentes se posent cette question et ont pris la route, comme moi, car ils se sentaient oppressés par une routine qui ne leur convenaient pas. J’ai énormément de joie à faire ces interviews. J’en ferais un film, de 27 minutes, “Chemins de Vie, marcher vers son Essentiel”, qui est actuellement en cours de diffusion.

#Le Chemin de la Vie

Je réalise que j’ai beaucoup idéalisé le Chemin avant de partir. Et qu’il est à l’image de la Vie. Il y a des situations difficiles. Comme marcher une journée entière sous la pluie, ou encore être réveillé à 3 h du matin parce que quelqu’un ronfle dans le dortoir. Un jour, trois chiens errants arrivent droit sur moi en aboyant à l’entrée d’un village. Je ne me fait pas mordre mais c’est une grosse frayeur !

#Questionnements

Au bout d’un moment, après environ 2 mois de marche, je commence à en avoir marre de marcher. J’ai envie d’arrêter le chemin. Quand je me réveille, je rêve de passer des journées entières devant des films sur un canapé.
Et là, je m’adresse à Saint-Jacques en lui disant : « Si je dois aller sur ton tombeau, donne- moi un signe ». Le soir même, j’arrive dans un gîte…

#Nouvelle Coquille

Le lendemain matin, la personne qui tient le gîte me donne une coquille Saint Jacques et me dit « Tiens, pourras-tu déposer cette coquille à Saint-Jacques à Compostelle ». Et là, je lui dis que j’avais justement demandé un signe et que je vais être obligée d’aller à Compostelle maintenant. Ce à quoi il me répond : « Surtout, ne fait pas l’erreur de ne pas y aller ».

#Se remotiver

Il y aura plein d’autres gens (“anges” si on lit à l’envers) qui me pousseront à aller au bout de ce Chemin et toujours, au moment où j’allais abandonner. Pr exemple, une personne me cire mes chaussures avant de quitter le gîte et me dit : ces chaussures t’amèneront à Saint-Jacques de Compostelle.
J’arrive à Saint-Jacques de Compostelle après 4 mois de marche, et je continue jusqu’au Cap Finisterre , 90 km après Compostelle.

#L’Arrivée

ça y est, je suis arrivée au bout du monde. J’observe le paysage, l’océan et je repense au Chemin parcouru. Je brûle un habit comme le veut la tradition.
Il se trouve que cette photo a été prise le 19 décembre 2017, il y a pile un an. Et ça, je trouve que c’est une belle coïncidence.

#Bout du Monde

Vous allez me demander : « As-tu trouvé une réponse à ta question sur le sens de la Vie ? ». Ce que j’ai compris, c’est qu’en regardant une situation, on peut la juger comme ayant du sens ou n’ayant aucun sens. Comme suivre une coquille saint Jacques sur 2000 km.

J’ai compris que c’est à moi de créer une vie qui a du sens pour moi, (en écoutant mon étoile), et pour ça, ce qui m’aide, c’est m’ouvrir à la Magie de la Vie.

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Intervieweuse 🎥 Réalisatrice « Chemins de Vie, marcher vers son Essentiel » ✍️ Auteure d’articles de blog www.acrosstheworlds.fr